Bonjour et bienvenue dans Ex Libris !
Dans l'élaboration créative, on différencie souvent :
L'incubation (réflexion large, divergente)
Et la structuration (planification du texte avec recherche d'effets : conflictualisation, dramatisation, ellipses...)
Je te livre 4 techniques pour l'étape d'incubation qui m'ont été utiles dans mes péripéties littéraires & scénaristiques.
Aujourd’hui, prépare-toi à découvrir :
La cartographie mentale
Le fameux carnet de l'écrivain
Le soliloque
Laisser travailler son inconscient
Mouds tes grains, verse le breuvage noir des rêves, et bonne lecture !
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Une note personnelle pour commencer
Bonne année cher lecteur, tous mes vœux de créativité !
Début d’année chargé pour moi avec la production où les nouveaux projets se précisent et la distribution de nos documentaires pédagogiques fait rage (celui-ci et celui-là).
J’accompagne aussi 9 auteurs via mon programme de formation vidéo-coaching pour apprendre à écrire un roman publiable. Si c’est le bon moment pour toi pour passer un cap, tu peux regarder la vidéo de présentation.
La publication de mon feuilleton BAM : Brigade des affaires magiques s’achève la semaine prochaine 😱 (bilan dans le prochain Ex Libris).
La cartographie mentale
Un outil d’idéation intéressant dans l’écriture de fiction : la carte heuristique (aussi appelée mind mapping).
Sa force est de rompre la pensée linéaire.
Il s’agit de passer d’une branche à l’autre de manière intuitive, de créer un maximum d’idées pour obtenir des liens originaux tout en creusant des thèmes qui nous touchent émotionnellement.
Si le thème de ton prochain roman/film est le « deuil impossible » par exemple, ce peut être un bon outil pour identifier des sujets éventuels et une première dramatisation.
C’est un outil utile pour regrouper des concepts voisins, détailler un sujet complexe, explorer sans se prendre la tête.
Il existe une foule de logiciels dédiés comme Scapple, XMind, Inspiration, yEd, Curio, Freemind, Mindnode.
Mais, tu commences à me connaître, je te recommande le papier et un stylo pour éviter de passer tes « heures d’écritures » à faire du formating de ta carte heuristique…
Voici la méthode d’exploration que j’avais suivie pour un roman autour du thème de la prière (cf. photo) :
Le sujet au centre (peut être un mot)
Les personnages que j’entrevois
Les contraintes que m’impose le genre auquel je songe
Les sujets & sous-sujets qui me viennent à l’esprit
Les questions ouvertes à ce stade
Que m’évoque le sujet (de manière très ouverte)
C’est une manière ludique d’explorer un sujet de fiction.
Et ça te réjouira si tu es visuel(le).
Le fameux carnet de l'écrivain
Je me mets sous le patronage de Patricia Highsmith (autrice du Talentueux Monsieur Ripley, de L’Inconnu du Nord Express), qui recommande dans L'Art du suspense l’usage du carnet de notes pour les écrivains :
« Petit si l’on travaille à l’extérieur de chez soi, plus grand si l’on a le luxe de pouvoir rester à la maison.
Cela vaut souvent la peine d’inscrire ne serait-ce que trois ou quatre mots, s’ils évoquent une réflexion, une idée ou une humeur.
Dans les moments de panne, on devrait feuilleter ses notes.
Deux idées peuvent se rejoindre, peut-être parce qu’elles étaient destinées à se rejoindre dès le début. »
Elle décrit dans cet essai comment elle identifiait et développait ses « idées germes ».
Que ce soient des :
Prémisses originales : « deux individus conviennent chacun d’assassiner l’ennemi de l’autre, ce qui permet d’établir un alibi parfait. »
Idées plus banales qu’il faut enrichir de variantes : « deux crimes étrangement similaires sont commis par deux individus qui ne se connaissent pas. »
Idées insuffisantes : « un homme prend une assurance, puis fait semblant de mourir ou de disparaître pour toucher l’argent. »
Son procédé restait le même :
Elle les notait dans ses carnets
Les laissait flotter dans son esprit des semaines, voire des mois
Elle cherchait activement des manières de les rendre originales en les combinant à d’autres, en modifiant certains éléments, en changeant le contexte ou le mobile (la méthode SCAMPER 😃)
Et soudain, à l’excitation que la combinaison générait, elle savait qu’elle avait trouvé
Mais ça ne tombait jamais du ciel.
C’est de la créativité organisée
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Le soliloque
Agatha Christie et Emile Zola avaient un point commun :
Ils construisaient leurs romans en soliloquant à l’écrit.
Zola écrivait des dossiers préparatoires dans lesquels il s’exposait à lui-même les rouages possibles de ses romans.
Christie griffonnait des pistes et se posait des questions à elle-même dans de nombreux carnets.
La photo jointe est un exemple de Zola tirée de son dossier de préparation pour Son Excellence Eugène Rougon.
« Le nœud [dramatique] est celui-ci, chacun de mes personnages attend Rougon »
« Je me place dans les Tribunes »
« Je ferai ensuite venir les Charbonnet »
« Je garde leur affaire, ainsi que la concession, pour le chapitre 2 »
De nombreuses pages numérisées sont disponibles sur Gallica.
Leur lecture est instructive, elle montre l’élaboration en cours, les tâtonnements et la préméditation de l’écriture de Zola.
Quelques années plus tard, Agatha Christie noircissait des carnets, listait des coupables possibles, des types de mort, des ficelles d’intrigue…
John Curran, auteur des carnets secrets d’Agatha Christie, écrit à ce sujet :
« Ce don pour élaborer des intrigues, même s’il était inné et foisonnant, ne l’empêchait pas de travailler ses idées, de les distiller, de les affûter et de les perfectionner, et que même ses livres les plus inspirés (par exemple, La Maison biscornue, La nuit qui ne finit pas, A.B.C. contre Poirot) étaient le résultat d’une composition laborieuse. »
C’est donc une technique à tester : écrire ton intrigue comme si tu l’exposais à toi-même.
Et itérer sur cette base jusqu’à ce que l’idée t’enthousiasme.
Tu poux même, si ta plume te démange, écrire ton "incubation" sous forme de dialogue avec toi-même !
Laisser travailler son inconscient
« Le rêve est l’auxiliaire le plus efficace dans l’édification de la personnalité. »
— Jung.
Il est aussi pratique pour élaborer des fictions, car notre inconscient (personnel et collectif) nous y parle un drôle de langage tissé de nos souvenirs personnels.
Que ce soit des rêves-bilans, des rectifications d’événements vécus, des tensions en vue de changements personnels, ou des rêves d’archétypes, la nuit, ça carbure !
Essaie de noter tes rêves au réveil.
Au bout de quelques jours, tu te souviendras toujours d’une bribe.
Ensuite, utilise le matériau brut et les impressions fournies.
C’est assez grisant.
Tolkien a transposé l’impression d’une noyade lors d’un tsunami rêvé pour décrire l’invasion de la Terre du Milieu par le Mordor.
Le cerveau se met aussi en mode « rêverie légère » pendant les promenades.
La marche active les neurones :
Dickens, Giono, Simenon et tant d’autres étaient de grands marcheurs.
Ils moissonnaient des idées en promenade.
Les idées se présentent en effet parfois à des moments où le cerveau n’est pas en créativité dirigée.
C’est vrai.
Tout le monde en a fait l’expérience.
Mais c’est un mythe partiel.
Parce qu’il occulte tout le travail préparatoire nécessaire à l’émergence de ces idées.
Patricia Highsmith (again!) l’explique :
« De tels moments de gloire ne viennent que si vous vous êtes creusé les méninges sur le problème au préalable.
Bien que la tâche paraisse ingrate, car on a l’impression de travailler pour rien, elle prépare le terrain à l’imagination.
Mon carnet est noirci de pages, peut-être vingt ou plus, pour chacun des romans que j’ai écrits, qui ne sont rien de plus que des digressions, des élucubrations autour de l’idée de départ, de l’action ou de la situation principale, seule constante dans le cours du développement.
Ces divagations ne comportent généralement aucune ressemblance avec le livre sous sa forme définitive.
Mais elles sont nécessaires à l’apparition d’idées meilleures. »
Moralité : inutile de prendre une douche ou d’aller musarder et d’espérer une idée brillante si on n’a pas bossé avant.
La porte ne s’ouvre que si on frappe.
Il faut poser des questions à son inconscient.
Conclusion
En complément de ces techniques, tu peux :
Lister les sujets qui te passionnent, t’indignent…
Noter des inspirations, des idées de scènes sans contraintes
Libérer la créativité avec l’exercice du « Et si… »
À la fin, ne retenir que ce qui t’accélère le palpitant !
Incuber, c’est mettre des ingrédients dans son panier et voir ce qu’on a envie de cuisiner.
Il va falloir touiller pendant 3, 6, 12 mois — voire davantage —, donc, il faut que ça nous plaise !
Bonne écriture !
C’était le 21e épisode d’Ex Libris et vous êtes +1300 dans la communauté !
MERCI !
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Bons baisers de Nantes et à samedi prochain !
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Je suis définitivement de la team cartographie mentale et soliloque, alors ça fait très plaisir à lire. ;)
« La porte ne s’ouvre que si on frappe.
Il faut poser des questions à son inconscient. »
L’expression est très intéressante mais est-elle (complètement) juste?
Toute la littérature psychanalytique nous apprend que l’inconscient s’exprime d’autant plus que l’individu « refoule », et donc s’interdit de frapper.
C’est une question rhétorique que je pose car j’aime néanmoins la proposition. D’autant plus qu’elle me rappelle cette scène mythique du Petit baigneur (oui, j’ai mes références :) ) : https://youtu.be/jJv98NO7blI?si=gCJpXicYk4buakG5