Bonjour et bienvenue dans Ex Libris !
Qui n’a pas frémi avec Luke Skywalker quand il apprend que Dark Vador est son père ?
N’a pas eu le cœur pincé quand il a découvert le véritable rôle de Rogue dans les 7 tomes d’Harry Potter ?
On aime tous les coups de théâtre (twists).
Alors, aujourd’hui, anatomie des twists narratifs (⚠️ risque de divulgâchage).
Prépare-toi à découvrir :
Une définition structurelle du twist
Le twist par dévoilement du rôle
Le twist par dévoilement d’identité
Le twist par changement de perspective
1 astuce pour masquer un coup de théâtre
Coule, coule, petit café et monte, monte, inspiration !
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Une note personnelle pour commencer
Je m’extirpe enfin des griffes d’un covid (oui, ce truc existe encore, sous une forme abâtardie) et peux enfin repartir à l’attaque des cimes littéraires !
Si 2025 est enfin le moment de l’écrire, ce roman qui te trotte dans la tête, tu peux regarder mon programme d’accompagnement pour le faire dans les 6 prochains mois.
Une définition structurelle du twist
Dans sa Dramaturgie, Lavandier propose cette définition pour le coup de théâtre :
Nœud dramatique particulièrement surprenant pour le spectateur (mais attention, pas nécessairement pour les personnages du récit).
Il distingue 3 sortes de coups de théâtre ou surprises :
1. En cours d’action
La plupart des œuvres contiennent au moins 1 ou 2 gros twists.
Exemple : Psychose, d’Alfred Hitchcock, où l’héroïne achève sa cavale dans la douche à la moitié du film
2. En fin d’œuvre
Cette toute dernière révélation n’apporte pas grand-chose à l’action.
C’est l’équivalent de la chute dans la nouvelle.
Exemple : Le Dernier métro, de François Truffaut, avec la mise en abîme finale
3. Au début du 3e acte
Son rôle consiste à relancer l’action une fois que le protagoniste a atteint (ou pas) son objectif et qu’il ne se bat plus.
Exemple : E.T., de Steven Spielberg, où E.T. meurt à la fin de l’acte II… et en fait non (ouf !).
Lavandier recommande d’éviter les ambiguïtés :
Le coup de théâtre doit être franc et massif.
Au-delà de cette classification, ce qui m’intéresse davantage, c’est les natures de twists.
Il me semble qu’il y a 3 types principaux (et intéressants) de twists:
Le twist par dévoilement du rôle
Le twist par dévoilement d’identité
Le twist par changement de perspective
J’exclus les twists artificiels (en fait le méchant n’est pas mort, ou bien le mari débarque à l’improviste, qui peuvent être amusants et poser des obstacles externes, mais sont moins forts).
Je me concentrerai sur ces trois-là pour la suite.
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Le twist par dévoilement du rôle
C’est le dévoilement classique du traître.
D’allié, il devient faux-allié.
Dans le Seigneur des Anneaux, Saruman, le magicien blanc, qu’on croit gentil, s’est en réalité vendu à Sauron, le seigneur des ténèbres.
On peut également inverser cette caractérisation et faire d’un ennemi supposé un allié caché.
C’est l’exemple magistral du professeur Rogue, antagoniste constant d’Harry Potter pendant 7 romans (!), qui avait, en fait, la mission de veiller sur le petit Harry.

Ce type de coup de théâtre concerne aussi les polars : untel est en fait l’assassin 😱 !
Le twist par dévoilement d'identité
On trouve dans cette catégorie l’ajout d’une caractérisation : Dark Vador est le père de Luc (re-😱) !
Ainsi que la fusion d’identité : deux personnages n’en font qu’un.
C’est le magistral exemple de Usual Suspect, film de Bryan Singer, dans lequel le grand méchant est en réalité celui qui passe pour le plus faible de la bande de malfaiteurs et un menteur hors pair.
Ce type de twist me fait penser au concept d’agnition, d’Umberto Eco (De Superman au surhomme) :
Par agnition, nous entendons la reconnaissance de deux ou plusieurs personnes, soit réciproque (« Tu es mon père ! », « Tu es mon fils ! »), soit monodirectionnelle (« Tu es l’assassin de mon fils ! », ou bien « Regarde-moi, je suis Edmond Dantès ! »).
Quand Œdipe apprend qu’il est l’assassin de Laïos, son père, c’est un coup de théâtre sous forme de révélation.
Quand il apprend qu’il a épousé Jocaste, sa propre mère, c’est un coup de théâtre par agnition réciproque.
Et ce bon vieux Umberto de différencier la reconnaissance réelle (le lecteur découvre en même temps que le personnage) de la reconnaissance contrefaite (le lecteur sait et découvre la réaction du personnage) :
La reconnaissance réelle joue sur l’identification : le lecteur, devenu le protagoniste, partage avec lui souffrances, jouissances et surprises.
La reconnaissance contrefaite joue sur la projection : le lecteur projette sur le personnage, dont il sait le secret, ses propres frustrations, ses propres désirs et revanches, et anticipe le coup de théâtre.
Le fait que chacun se questionne toujours plus ou moins sur son identité (qui suis-je vraiment? est-ce que les autres savent qui je suis en réalité? Et moi?) explique à mon sens la puissance de ce twist.
Le twist par changement de perspective
Nous voici arrivés à mon coup de théâtre préféré : le renversement de perspective.
Notre vision du monde, le paradigme de l’histoire, tout ce qu’on croyait acquis, se dérobe, et ça change tout.
Quelques exemples qui m’ont marqué (pas de spoilers 😇) : Shutter Island, Sixième Sens, Le Village, L’Orphelinat, Les Autres, Fight Club (qui combine une reconnaissance réelle), Un Homme d’Exception, Le Monde inverti.
Ce twist, quand il est placé en bout d’histoire, bouleverse lecteurs & spectateurs.
Les Anglo-saxons l’appellent un « shock ending ».
Dans une interview à la BBC en 1959, le prix Nobel de littérature William Golding, auteur de Sa Majesté des mouches, disait les apprécier.
Par appétence personnelle, d’abord.
Parce qu’ensuite, les shock endings « encouragent une deuxième lecture, apportent un deuxième éclairage ».
Elles donnent envie de relire le roman (ou de revoir le film).
Utile quand, comme Golding, on juge « importantes » les idées autour desquelles on écrit.
Le « shock ending » est un moyen de rendre son histoire immortelle.
Elle continue de se raconter elle-même bien après sa première fois.
Ça rejoint le concept « d’histoire sans fin », de John Truby (Anatomie du scénario).
Dans le rayon des « shock endings », coup de théâtre final, je pense au film La Planète des singes, qui m’avait sidéré, enfant.
1 astuce pour masquer un twist
C’est Alfred Hitchcock lui-même qui nous la livre.
Il s’agit d’un tour de passe-passe, de prestidigitation narrative.
Pour dissimuler le coup de théâtre, on peut ajouter un danger local qui crée du suspense pour détourner l’attention du spectateur.
Et bim ! on envoie le coup de théâtre.
Dans le premier Mission Impossible (Brian de Palma), juste avant que Jim Phelps, le boss d’Ethan Hunt qu’on croyait mort, réapparaisse, Ethan se met à risque en téléphonant aux grands patrons de l’IMF (qui le prennent pour une taupe), et qui ont 30 secondes pour localiser son appel.
L’adrénaline monte, avec une « ticking bomb »… Ethan raccroche à temps.
Et bim ! twist : Jim Phelps était dans la cabine téléphonique d’à côté.
Conclusion
Comme d’habitude, tout est dans le dosage. Mieux vaut 1 ou 2 coups de théâtre forts, massifs, bien préparés, qu’une dizaine de micro-twists artificiels qui se succèdent et perdent l’attention du lecteur/spectateur.
Un twist réussi, c’est comme un coup de fouet.
Dites-moi votre coup de théâtre préféré dans les commentaires !
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On sort du genre littéraire mais sur des oeuvres vidéoludiques je pense à 4 jeux qui m'ont marqué par leur(s) twist(s)
Final Fantasy VII - un dévoilement d'identité majeur, qui réécrit l'histoire qui nous a été racontée depuis le début et qui est à nouveau exploré dans ses remakes, la surprise en moins
Shadow of the Colossus - un changement de perspective qui permet de donner une nouvelle lecture au ton d'ensemble du jeu, magistral
Nier Automata - un changement de perspective majeur qui nous amène à nous interroger même sur le sens de la vie
13 Sentinels: Aegis Rim - plusieurs twists et des changements de perspectives pour une histoire qui se dévoile pièce par pièce comme un puzzle
Bonjour Alexis,
Pour moi, l'expérience la plus forte que j'aie jamais vécue en lecture, pour un twist, c'est "La Nuit des Temps" de René Barjavel (1968). Je le recommande à toutes celles et ceux qui ne connaissent pas.
Ce twist final est à la fois une révélation sur l'identité d'un personnage, et en soi c'est déjà énorme vu l'intrigue qui précède ; mais c'est aussi une révélation globale sur le monde réel et sur son histoire passée, une autre façon de voir le passé et le futur de l'humanité, et là, on en reste carrément baba !
Surtout vu comment le récit se termine, alors qu'il a été publié avant avril 1968, donc avant les événements de mai...
Je n'ai jamais pu le relire jusqu'à présent, car je m'en souviens trop bien... et pourtant ça fait de nombreuses années que je l'ai lu. Il m'a marqué au fer rouge...