Comment absorber le talent des grands auteurs
Ou comment lire utilement pour mieux écrire
Bonjour et bienvenue dans Ex Libris !
L’homme apprend par mimétisme.
Écrire de la fiction (roman ou scénario) n’y fait pas exception.
Mais personne ne nous apprend à apprendre.
Moi si.
Je te partage ma méthode dans cette édition.
Aujourd’hui, prépare-toi à découvrir
Pourquoi tous les grands artistes « absorbent » le talent de leurs maîtres
Mon framework pour lire avec un regard absorbant
Comment capter les éléments structurels d’un récit
Comment s’approprier les formes principales d’un récit
Comment améliorer son style
Fais chauffer la bouilloire et bonne lecture !
Une note personnelle pour commencer
De retour du Festival de la fiction TV de La Rochelle, où nous avons rencontré :
Des diffuseurs (Netflix, Canal, Arte…) pour notre projet de série
Des producteurs pour éventuellement co-produire notre projet
Des scénaristes avec qui nous collaborerons peut-être
3 jours intenses, avec des avant-premières, des conférences… et beaucoup de cafés !
Accent des prochaines semaines : BAM : Brigade des affaires magiques.
Cycle de reprises pour affiner la dramaturgie de chaque chapitre
Relectures successives pour un style qui claque
Trouver un illustrateur pour la couverture & les en-têtes de chapitre
Publication exclusive dans Ex Libris d’ici un petit mois !
Tous les grands artistes « absorbent » le talent de leurs maîtres
J.S. Bach a recopié tout Vivaldi pour connaître les arcanes de la musique.
Il y a d’ailleurs laissé ses yeux.
George Simenon a lu tout Balzac et les écrivains russes (Dostoïevski, Gogol, Tchékhov).
Dans sa jeunesse, Jean-Pierre Melville regardait 5 films par jour.
Plus tard, il avait une salle de projection chez lui pour « se passer deux films américains après le dîner ».
Quentin Tarantino a vécu pendant 5 ans dans le vidéo club d’Hermosa Beach, en Californie.
Il y a regardé tous les films de la Nouvelle Vague et d’arts martiaux asiatiques… qu’il s’est appropriés.
Quel que soit l’art, on ne crée jamais ex nihilo.
Il faut peupler sa bibliothèque mentale pour ouvrir ses horizons.
Après 2 000 ans de littérature et 120 de cinéma, se démarquer sans connaître un peu le répertoire est illusoire.
Gustave Flaubert travaillait 8 heures par jour et dédiait le reste à l’étude du grec et de l’anglais pour lire Homère et Shakespeare dans le texte :
Je n’en verrai rien [des discours de Guizot et de Montalembert]. C’est du temps perdu. Autant bayer aux corneilles que de se nourrir de toutes les turpitudes quotidiennes qui sont la pâture des imbéciles. L’hygiène est pour beaucoup dans le talent, comme pour beaucoup dans la santé. La nourriture importe donc.
— Lettre à Louise Colet, 8 février 1852
Mon framework pour lire avec un regard absorbant
Si tu as essayé d’écrire, tu sais qu’il faut faire des choix en permanence :
Quelles péripéties mon protagoniste va vivre ?
Comment introduire tel personnage ?
Comment exposer l’information autrement que par le dialogue ?
Dois-je décrire tel endroit ? Comment être succinct et original ?
Etc.
Mettons qu’un œuvre, c’est un château.
Tu y trouves :
Des fondations : la structure dramaturgique
Des volumes : les formes principales que le récit prend (dialogue, exposition, action…)
Des ornements : le style (syntaxe, point de vue, voix narrative)
La comparaison a ses limites, mais elle rend clair ce que je cherche quand je lis un romancier/scénariste :
Comprendre ce qui fait leur originalité
Capturer les idées que je n’aurais pas eues
Les avoir à disposition pour mes propres projets
À ces trois niveaux de lecture
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Comment capter les éléments structurels d’un récit
J'ai déjà évoqué certains éléments ici :
Je me concentrerai donc sur le pitch et les noeuds dramatiques.
Le pitch dramatique
Tu regardes une série par un dimanche pluvieux ?
Identifie son pitch.
C’est une phrase qui contient :
L’arène: lieu + époque signifiants
L’incident déclencheur
Le protagoniste
Son objectif
En option: une idée des obstacles ou son plan
Exemple avec Breaking Bad :
À Albuquerque (Nouveau-Mexique), après avoir découvert qu’il était atteint d’un cancer en phase terminale, Walter White, professeur de chimie surdiplômé enseignant au lycée, père d’un enfant handicapé et mari d’une femme enceinte, se bat pour assurer un avenir financier à sa famille en lançant un trafic de métamphétamines.
Excellent exercice pour cerner le conflit central et le thème d’une œuvre.
Les nœuds dramatiques
Il s’agit de repérer les moments charnières d’un récit : élément déclencheur, déclaration d’intention, climax, coup de théâtre…
Parce que, quand ce sera ton tour d’écrire, si jamais tu bloques, tu seras content d’avoir un peu d’inspiration pertinente.
Une fiche suffit, comme l’élément déclencheur du film Braqueurs (2023) :
Comment s’approprier les formes principales d’un récit
Il n’y a pas 10 000 manières de mener un récit :
Exposition (portrait, événements…)
Description (lieux, personnes…)
Action
Dialogues
Pensées des personnages
Si tu écris, tu recourras souvent aux mêmes manières de faire, celles qui te sont instinctives.
Spoiler : si tu n’es pas un génie (ce qui est mon cas), ça ne sera pas toujours original.
DONC il faut t’inspirer des meilleurs pour varier et gagner en puissance.
2 exemples de comment je m’y prends :
Pour s’améliorer en dialogues : lire du théâtre
De temps à autre, je lis une pièce et j’essaie de capter :
Les surprises
Les jeux de rythme
Les intentions et tentatives
La caractérisation des personnages
Les expressions françaises qui font mouche
Les dynamiques (appuis, déviation…)
Les situations et leur crescendo
Les non-dits
Exemple de mon carnet d’apprentissage avec ma lecture d’𝐴𝑟𝑡, de Yasmina Reza.
En une réplique, on sent la coloration propre au personnage :
Évite ce rire devant Catherine
Ou :
C’est impensable que ce garçon — qui n’a rien à foutre, tu es d’accord ? — soit continuellement en retard !
Les dispositifs narratifs
Parfois, tu auras construit une scène, mais tu auras besoin d’un truc en plus :
Comment passer subtilement d’une scène à l’autre ?
Comment augmenter le suspense ?
Comment masquer l’exposition ?
Pour t’inspirer, lis/regarde activement les œuvres que tu fréquentes.
Et construis-toi une base de dispositifs narratifs qui résolvent des problèmes concrets.
Exemple de comment masquer la non-crédibilité d’une prédiction immédiate avec La Doublure, de Francis Veber :
Comment améliorer son style
Dans les manuscrits que je relis à titre professionnel, la monotonie syntaxique est typique :
Il prit la plume. Elle était bleue. Elle grattait le papier…
Sujet-verbe-complément à toutes les phrases.
Elle révèle un texte pas assez mature pour être présenté à un éditeur.
Ouvre un bon roman au hasard et découvre la magie : la langue est une danse au service du sens du récit.
Il est des créatures dont l’existence croît en fructueuses violences.
En sévices soufferts autant qu’infligés, car il faut avoir reçu pour savoir donner.
À la différence des braves gens que le sort brise lorsqu’il s’acharne, ces âmes-là s’épanouissent dans l’exérèse et dans l’épreuve.
— Jean-Philippe Jaworski, 𝐿𝑒 𝐶ℎ𝑒𝑣𝑎𝑙𝑖𝑒𝑟 𝑎𝑢𝑥 𝑒́𝑝𝑖𝑛𝑒𝑠, tome 1
Relis-toi et ne t’autorise jamais plus de deux phrases avec la même structure syntaxique.
Dans ma pratique, une fois le premier jet terminé et la dramaturgie posée, je m’attelle au style.
Quand je juge mes phrases monotones, je m’inspire des grands prosateurs.
Je me constitue une bibliothèque de références concrètes et utiles.
Exemple ici avec Michel Tournier (Vendredi ou les Limbes du Pacifique).
À toi de placer le curseur
On est vite bloqué quand on écrit : les idées, les techniques, la syntaxe...
Tout se bouscule.
J'ai donc mis au point cette méthode qui me met à disposition toutes ces techniques & inspirations quand j'écris.
Parce que c'est aussi ma manière d'apprendre.
Après, tout est question d'ambition et de dosage.
Si tu veux écrire sérieusement, je te recommande de recopier à la main les passages des grands romans pour comprendre leurs mécanismes et comment ils obtiennent leurs effets.
Moins prenant, quand je veux profiter d'un livre plus en tant que lecteur qu'en tant qu'auteur apprenant, je note un "+" dans la marge quand un élément m'interpelle:
Idée frappante
Tournure originale
Exposition masquée
Noeud dramatique bien trouvé
Et, a minima, si tu as la flemme, lis les livres et regarde les films avec un esprit critique.
La lecture est le meilleur moyen d’analyser ce qui fait un bon livre. Faites attention à ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas, ce qui vous plait, et pourquoi.
— J.K. Rowling
C’était le 6e épisode d’Ex Libris et vous êtes plus de 700 dans la communauté.
MERCI !
Indique en commentaire tes questions sur cet épisode ou écris-moi par retour de ce mail, tes avis m’aident à bâtir la suite.
Le prochain numéro présentera ma routine d’écriture et les leviers pour la rendre la plus productive possible.
En attendant, petite question :
Par ailleurs, si tu as l’ambition d’écrire un roman publiable, regarde mon programme pour écrire un roman et l’emmener en comité de lecture chez tes éditeurs cibles, j’ai fait une vidéo qui présente mon approche :
Ça t’a plu?
Merci de faire bon accueil à Ex Libris en :
👉 Le partageant avec un ou une amie qui s'intéresse à l'art la productivité créative :
👉 Me suivant sur LinkedIn (tes likes m’aident à être visible) :
Bons baisers de Nantes et à samedi prochain !
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Je retrouve ce que j’ai appris pas à pas et j’apprécie la présentation qui en est faite.
J’aime bien cette expression sans me rappeler de la source : « Books are made of books ».