Les 7 concepts fondamentaux de la dramaturgie...
…Que j’aurais aimé connaître quand j’ai commencé à écrire de la fiction il y a 12 ans
Bonjour et bienvenue dans Ex Libris !
Pour cette première édition, je vous présente les 7 concepts que j’estime clés dans l’art dramaturgique :
La différence entre l’histoire et un récit
La triade protagoniste-objectif-obstacles
Les 3 actes
La catharsis d’Aristote
Les 7 étapes de toute histoire
« Et ensuite » vs « mais… alors »
Préparation-paiement
Temps de lecture estimé : 6 minutes
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1. La différence entre l’histoire et un récit
« Histoire : relation chronologique de faits
Récit : mise dans un ordre choisi et spécifique des faits d’une histoire concernant des personnages »
Yves Lavandier, La Dramaturgie
Si l’histoire de l’humanité est parfois souvent passionnante, un récit vise à l’être par construction.
Ça implique, entre autres :
D’éliminer les temps faibles et les anecdotes qui n’apportent rien
D’ordonner les scènes en vue d’obtenir des effets sur le lecteur/spectateur
De recourir aux prolepses et analepses (sauts dans le futur ou le passé)
Nous n’écrivons pas des chroniques pour que de lointains descendants se souviennent de nous, mais des récits faits pour captiver un lecteur éduqué et exigeant.
Dans la suite de cette newsletter, nous utiliserons indifféremment « histoire » et « récit », par commodité.
2. La triade protagoniste-objectif-obstacles
Une bonne histoire est une action humaine difficile.
Simplifiée à l’extrême, une histoire, c’est :
Quelqu’un
Qui désire quelque chose
Et qui rencontre des obstacles pour y parvenir
Les obstacles qu’il (ou elle) rencontre :
Créent l’empathie du public
Conservent l’intérêt du public
Révèlent la vraie nature du protagoniste
Ce motif protagoniste-objectif-obstacles doit être présent à toutes les échelles d’un bon récit.
Une scène patine ou vous désintéresse ?
Je parie qu’il manque un objectif assez excitant ou un obstacle assez fort.
3. Les 3 actes
Dans 99 % des cas, on peut découper une histoire en 3 actes :
Acte I : la routine de vie du protagoniste, l’élément déclencheur et la déclaration d’objectif
Acte II : tous les efforts consentis, avec une intensité graduelle, pour atteindre l’objectif jusqu’au climax (l’atteinte ou non de l’objectif)
Acte III : après le climax, la tension est retombée, nous assistons aux conséquences de l’action sur le protagoniste et son monde
Tous les autres découpages ne sont que des variations ou des raffinements de cette structure simple, mais captivante depuis la nuit des temps.
Notes :
Quand on choisit l’objectif principal d’un protagoniste pour une histoire, il faut qu’il donne suffisamment de matière pour tenir tout l’acte II
Le climax est le moment de tension ultime du récit
Le passage de l’Acte II à l’Acte III est le moment où le spectateur sait si le protagoniste a atteint son objectif
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4. La catharsis d’Aristote
« Prenez un personnage auquel le lecteur puisse s’identifier, ni franchement mauvais ni trop parfait et faites-lui vivre des aventures qui l’amènent à passer du bonheur au malheur ou vice versa, à travers maintes péripéties et reconnaissances.
Tendez au maximum l’arc narratif, afin que lecteurs et spectateurs éprouvent pitié et terreur à la fois.
Quand la tension aura atteint son maximum, faites entrer en action un élément qui vienne démêler le nœud inextricable des faits et des passions en résultant.
Que ce soit un prodige, une intervention divine, une révélation ou un châtiment inopiné, il faudra que cela donne lieu à une catharsis […] »
Umberto Eco, Pleurer pour Jenny ?
Nous lisons des histoires pour :
Vivre des expériences hors norme
Enrichir notre affect pour mieux saisir la psychologie des autres et ce qui constitue notre complexité particulière
Contribuer à notre équilibre pulsionnel : nous réconforter sur notre normalité et apprendre dans un « espace transitionnel » imaginaire (Winnicott)
Le personnage est LE véhicule émotionnel qui permet tout cela.
Nous le découvrons, entrons en tension, et connaissons le soulagement à travers lui.
5. Les 7 étapes de toute histoire
Ce sont les jalons qui font qu’on s’intéresse à une histoire.
1. Faiblesses et besoin
2. Désir
3. Adversaire
4. Plan du héros
5. Confrontation finale
6. Révélation personnelle
7. Nouvel équilibre
John Truby, Anatomie du scénario
Ôtez un de ces éléments, et toute histoire perd en force.
J’ai brièvement détaillé ces étapes dans 🚂 𝐼𝑛𝑡𝑟𝑖𝑔𝑢𝑒 𝐸𝑥𝑝𝑟𝑒𝑠𝑠𝑒, ma méthode pour architecturer mon récit, de l’idée au premier jet, en 30 jours. Si vous êtes abonnés à Ex Libris, vous avez dû la recevoir, autrement cliquez ici.
6. « Et ensuite » vs « mais… alors »
Une bonne histoire, c’est un rouage.
Il faut une logique qui lie l’ensemble.
Quand on écrit, on a tendance à empiler des scènes et des péripéties (« et ensuite »).
Mais écrire un récit captivant consiste à transformer chaque scène en tremplin pour celle d’après (« mais… »).
Les choix du protagoniste doivent être logiques et révélateurs (« alors »).
On sait qu’une scène est utile si, en la retirant, elle fait s’écrouler l’édifice.
Source : les créateurs de South Park.
Gustave Flaubert l’écrivait déjà à Louise Collet le 31 janvier 1852, à propos de La Tentation de Saint Antoine, dont il n’était pas satisfait alors qu’elle le couvrait de louanges :
« C’est un échec. Vous parlez de perles [les belles scènes, les trouvailles stylistiques]. Mais ce ne sont pas les perles qui font le collier ; c’est le fil… Tout dépend d’un plan. Il en manque un dans Saint Antoine… »
Pourquoi ?
Parce que ce qui nous ravit en tant que lecteur c’est l’originalité, la surprise qui reste logique, « l’inattendu inévitable » (qui n’est rien de moins qu’un des 3 critères de la beauté selon Saint Thomas d’Aquin).
Sans édifice dramaturgique, impossible de faire ressortir cet inattendu inévitable.
7. Préparation-paiement
Le plaisir est plus fort si on désire longtemps quelque chose.
Une mort est plus poignante si on s’est attaché à un personnage (et si les causes de la mort étaient déjà apparues).
Bref, moins c’est gratuit, plus c’est puissant.
Dans un bon récit, TOUT se prépare :
La déclaration d’objectif est la préparation du plus gros paiement du récit (le climax)
L’arme du crime doit apparaître bien avant le crime
Un sauvetage in extremis doit être motivé ou suggéré
etc.
Sans quoi, on tombe dans le deus ex machina.
Et, après plusieurs décennies de romans, de films et de séries en tous genres, le lecteur/spectateur moyen est plus éduqué qu’il y a 50 ans.
Il ne saura pas forcément dire pourquoi une scène, un chapitre ou un roman n’est pas convaincant.
Mais il le sentira.
C’était le 1er épisode d’Ex Libris !
Ce numéro était dense comme un vers de Mallarmé, j’ai donc limité les exemples.
Il y aurait bien plus à dire sur chacun de ces concepts.
Si vous souhaitez que j’approfondisse un point évoqué dans ce numéro, indiquez-le en commentaire.
Le prochain épisode traitera des spécificités des genres, qu’il vaut mieux connaître avant d’écrire :
Par ailleurs, si tu as l’ambition d’écrire un roman publiable, regarde mon programme pour écrire un roman et l’emmener en comité de lecture chez tes éditeurs cibles, j’ai fait une vidéo qui présente mon approche :
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Bons baisers de Nantes et à samedi !
Vraiment intéressant et extrêmement bien expliqué merci !
Top cette première édition ! Bienvenue dans le grand bain 😊